Manufacture – Haute école des arts de la scène. Lausanne
Atelier-Sonde avec les élèves de l’école. Promotion J.
Aborder la question de l’émotion de l’acteur.
Février 2019
Atelier coordonné et observé par Anne Pellois (ENS/Lyon) et Julie Sermon (Université Lyon 2)
Assisante : Audrey Liebot
Tous mes exercices préparent l’acteur à l’improvisation et à explorer une porosité la plus large possible avec les réalités subliminales qui l’habitent au présent.
C’est le côtoiement privilégié de ces matériaux disponibles, agissants et
pourtant écartés de la conscience qui favorisent l’improvisation.
L’écriture de plateau requiert cela. L’absence de personnages et de situations
déplace le lieu d’origine des actions vers la personne même,
La personne est amenée au centre du travail. L’acteur porte plus que jamais son outil avec lui-même ainsi dans chaque heure de la répétition lorsqu’il est alors habité par la thématique d’un spectacle en chantier.
L’EMOTION est donc centrale pour cette approche car c’est par elle que l’on passe de l’inaction à l’action.
L’acteur improvise -et le fait devant nous et avec ses partenaires- car il
désire vivre des situations et rejoindre un état d’intensité propre à
l’invention.
Il s’incite à divaguer, il « entre en liaison ».
Dans notre travail il le fait par l’intermédiaire de l’objet qui joue un rôle crucial.
L’objet permet de manifester à l’extérieur de soi des réalités qui résident à l’intérieur de soi. Cette matérialisation permet d’intervenir sur ces réalités en inventant des liens et des coordinations qui suscitent de grandes émotions et des remontées de mémoires.
Par l’objet l’acteur peut voir quelque chose qui objectivement -pour un
tiers témoin- n’est pas là, penser à quelque chose qu’il ne pensait pas avoir à
l’esprit et réaliser enfin des gestes qui n’étaient que potentiels.
Alors peut s’alimenter l’envie d’agir et de passer d’actions en actions. Le
plaisir de relier et d’ouvrir des espaces est celui de l’invention. Comme en
archéologie on « invente », on ajoute un lieu pour aujourd’hui alors
qu’il était déjà depuis longtemps.
Ces exercices favorisent pour chacun(e) la localisation de « l’endroit » de ce travail, puis son développement. Ils proposent de déterminer son accès afin d’y rester et d’avoir le plaisir, l’appétit d’y retourner.
L’émotion survient à partir du moment où on reconnait quelque chose dans ce qui survient et pour laquelle aucun effort de mise en place ni de codification n’ont été requis. Cela a lieu plus vite que la pensée et les moyens d’expression de ces réalités sont au plus de l’originalité de chacun(e), elles sont notre idiome.
Le plaisir de nommer encourage l’élaboration de nouvelles liaisons,
l’affleurement d’autres sens encore. L’imaginaire s’emploie à donner un sens à ce
qui se passe car rien ne peut rester longtemps sans signification.
Ces états sont aussi des voies de nos mémoires vers nous, se souvenir est un
geste affectif autant que créatif. On trouve ce qu’on ne pensait pas chercher.
Ces activités se manifestent quand est vécu par l’acteur un état d’autonomie nécessaire et suffisant.
Ces exercices proposent aussi l’exploration pour chacun(e) de cette aire où on peut être seul(e) en présence de quelqu’un.
Bruno Meyssat